Formul℞ Info
Année 24
Septembre 2017
N° 3
Les troubles de la déglutition chez la personne âgée : physiologie, pathologie et prise en charge.
INTRODUCTION
Les troubles de la déglutition sont fréquents chez les personnes âgées. Nous nous intéresserons, dans ce FormulR/info, aux troubles de la déglutition plus spécifiquement liés à l’âge et aux pathologies liées à l’âge, tout particulièrement aux troubles de déglutition au niveau de la bouche et du pharynx.
Quand faut-il penser à un trouble de la déglutition ? Comment en faire un diagnostic précis ? Comment aider le patient, améliorer sa qualité de vie, lui éviter des complications et un éventuel isolement social suite à ces troubles de déglutition ? Que peut apporter un logopède ?
1. Déglutition normale et dysphagie
2. Fréquence de la dysphagie oropharyngée
3. Contexte de la dysphagie et de la presbyphagie
4. Conséquences de la dysphagie oropharyngée
5. Symptômes et signes d’appel
6. Dépistage, diagnostic clinique et évaluation
7. Le rôle de l’entourage, des soignants, de l’équipe spécialisée
8. Les approches thérapeutiques
9. Cas spécifiques
10. Fiches d'informations pour les patients.
AVC | Accident Vasculaire Cérébral |
DO | Dysphagie Oropharyngée |
ESPEN | European Society for Parenteral and Enteral Nutrition |
Logopède | Le terme de logopède est utilisé dans ce document pour désigner un « thérapeute qui s’occupe de l’analyse, de l’évaluation, de la prévention et du traitement des troubles de la voix, de la parole, du raisonnement logico-mathématique et du langage oral et écrit ». En France et au Canada, c’est le terme d’orthophoniste qui est plus utilisé ou celui de logopédiste en Suisse. Le terme anglophone correspondant est speech and language therapist (ou pathologist |
MP | Maladie de Parkinson |
SNG | Sonde (de nutrition) nasogastrique |
SGP | Sonde (de nutrition) gastrique transpariétale |
ORL | Oto Rhino Laryngologique |
PcP | Personne cum Parkinson |
PD | Parkinson Disease = Maladie de Parkinson |
1. Déglutition normale et dysphagie
La déglutition, action d’avaler, se déroule en trois phases :
- une phase buccale (ou orale), volontaire et consciente : les aliments mis en bouche sont mâchés et mélangés à de la salive en bouche ; dès que le bolus alimentaire est propulsé vers le pharynx, une deuxième phase s’enclenche.
- une phase pharyngée, réflexe : le bolus alimentaire déclenche des « capteurs » : le péristaltisme pharyngé fait progresser le bolus alimentaire vers l’œsophage et simultanément les voies respiratoires se ferment (apnée) et le sphincter œsophagien s’ouvre, ce qui est le début de la troisième phase
- une phase œsophagienne, réflexe : le péristaltisme œsophagien fait progresser le bolus vers l’estomac.
Le terme de dysphagie (« difficulté pour manger ») regroupe un ensemble de troubles de la déglutition lors de la progression de la nourriture (ou salive) de la bouche à l’estomac, via le carrefour aérodigestif.
Nous ciblerons, dans ce FormulR/info, la dysphagie oropharyngée c’est-à-dire les problèmes liés au passage de la bouche à l’œsophage.
Video : deglutition normale et dysphagie
2. Fréquence de la dysphagie oropharyngée
La dysphagie oropharyngée est un problème fréquent. Sa prévalence est la plus élevée chez les personnes âgées présentant des troubles neurologiques et, d’une manière générale, augmente avec l’âge et le degré de fragilité. Sa prévalence peut atteindre 13 % de la population âgée d’au moins 65 ans
Pour la population âgée institutionnalisée c’est un chiffre de 50-51% qui est avancé
3. Contexte de la dysphagie et de la presbyphagie
Dysphagie
Une dysphagie peut être due à une pathologie neurologique (AVC, traumatisme crânio-cérébral, sclérose en plaque, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson), à une démence, à un cancer ORL, faire suite à une radiothérapie ou à une intervention chirurgicale, à des trachéotomies ou intubations multiples et/ou prolongées.
Presbyphagie
Dans la presbyphagie, la dysphagie résulte du processus naturel de vieillissement.
Des modifications physiologiques liées au vieillissement peuvent contribuer au risque de dysphagie : perte de masse et de fonction musculaire, réduction de l’élasticité tissulaire, modifications au niveau de la colonne cervicale, réduction de la production salivaire (minime selon plusieurs auteurs), dentition défectueuse, diminution de la sensibilité orale et pharyngée, réduction des fonctions olfactives et gustatives et désynchronisation des mécanismes de déglutition. Le terme de presbyphagie primaire est utilisé pour décrire les effets de ces modifications liées à l’âge sur la fonction de déglutition. Une presbyphagie est dite secondaire si elle est plus liée à un état de fragilité, à une altération de l’état général. Plusieurs facteurs pathologiques ou iatrogènes peuvent aggraver la dysphagie.
Certains médicaments font partie de ces facteurs aggravants : les sédatifs qui réduisent la vigilance (avec risque accru d’inhalation), les opioïdes qui suppriment le réflexe de toux protecteur, les neuroleptiques qui peuvent provoquer un parkinsonisme, les anticholinergiques qui diminuent la salivation.
Précision : Des observations récentes soulignent l'effet de l'âge sur le sphincter œsophagien supérieur, principalement par une réduction de sa surface d’ouverture, effet pouvant être aggravé par la survenue d’un AVC, d’une irradiation, d’un déficit neurologique survenu durant un processus de revascularisation cardiaque. Suivant la cause de dysfonctionnement de ce sphincter œsophagien supérieur (myogénique, neurogénique, secondaire à une faiblesse musculaire), l’approche thérapeutique est différente
4. Conséquences de la dysphagie oropharyngée
Les conséquences potentielles d’une DO sont multiples :
• inhalation de l’alimentation (ou de salive avec contamination bactérienne pour une pneumonie) dans les voies respiratoires : inflammation bronchique chronique, pneumonie d’inhalation
• dénutrition, déshydratation, difficulté de prise de certains médicaments
• réduction de la qualité de vie, anxiété par rapport aux repas, perte du plaisir de manger, isolement social
• mortalité accrue
5. Symptômes et signes d’appel
Plusieurs éléments doivent attirer l’attention parce qu’ils peuvent être liés à une dysphagie :
• un changement dans les habitudes alimentaires
• une toux lors des repas (ou après ceux-ci)
• une gêne au niveau de la gorge lors de la déglutition
• une difficulté à respirer pendant ou après le repas
• une modification de la voix
• un amaigrissement non voulu
• des repas durant inhabituellement longtemps.
Il faut souligner que les personnes âgées sont souvent non conscientes de leurs problèmes de déglutition
6. Dépistage, diagnostic clinique et évaluation
Dépistage
Le dépistage a pour but d’identifier les patients à risque accru de dysphagie et non d’en déterminer la sévérité ni le meilleur traitement
Dans leur synthèse de la littérature, les auteurs précités mentionnent des tests de dépistage valides pour des patients ayant présenté un AVC. Ils mentionnent qu’une synthèse méthodique de 2013
Diagnostic clinique
Le diagnostic clinique a pour but de valider la présence d’une dysphagie et d’en déterminer la sévérité, afin de proposer des interventions efficaces
Il faut y ajouter que, dans une population de tout âge, plus de 50% des sujets ne sont pas capables de préciser le niveau de leur dysphagie
Diagnostic documenté
Les deux examens techniques classiques pour le diagnostic d’une DO sont une vidéo déglutition et une nasofibroscopie.
La prise en charge des troubles de la déglutition doit être multidisciplinaire.
Un diagnostic précis, documenté, doit précéder les interventions thérapeutiques.
Une évaluation nasofibroscopique de la déglutition est un examen complémentaire classique. Il permet de préciser un état des lieux anatomique et dynamique (sécrétions de l’hypopharynx et du larynx, mouvement de rétraction de la base de la langue, mouvement larynx/aryténoïdes, fermeture du voile du palais, mobilité des cordes vocales, fermeture de la glotte). L’ingestion de différentes nourritures (volumes et consistances différents) et boissons est observée. Cet examen n’exige pas de disposer de matériel radiologique ; il peut être plus long que l’examen radiologique, mais permet d’effectuer davantage de tests de consistance des aliments et, éventuellement, d'avoir aussi une dimension thérapeutique par biofeedback en améliorant la rapidité et l’observance de la (ré)éducation
Les experts mentionnent que cet examen est généralement bien toléré par les personnes âgées, même en cas de démence (les patients ne comprenant pas les détails de l’examen), qu’il est particulièrement pertinent chez des personnes âgées fragiles.
Ce test est indispensable pour obtenir un remboursement INAMI en cas de prise en charge logopédique.
7. Le rôle de l’entourage, des soignants, de l’équipe spécialisée
Il est important que toutes les personnes impliquées (membres de la famille, soignants dont le médecin généraliste, entourage) disposent d’une compréhension suffisante des problèmes de déglutition, recherchent les symptômes et signes évocateurs et apprennent les interventions à mettre en œuvre pour la nutrition du patient et lui permettre de déglutir sans inhalation, ainsi que les interventions utiles en cas de fausse route.
La majorité des médecins généralistes n’ont pas reçu de formation dans le domaine des troubles de la déglutition et doivent donc en apprendre les rudiments.
En milieu hospitalier, des équipes spécialisées dans le domaine se sont constituées, incluant logopède, ORL, radiologue et au besoin neurologue ou gastroentérologue.
Hors hôpital, des logopèdes spécialisé(e)s peuvent être consulté(e)s ainsi que des médecins spécialistes (parmi les spécialités citées ci-dessus). Il faut insister sur le rôle essentiel des logopèdes dans la prise en charge des troubles de la déglutition.
La prise en charge thérapeutique doit être pluridisciplinaire, nécessitant une coopération entre médecins, personnel soignant (infirmier, ergothérapeute, kinésithérapeute, logopède, diététicien, psychologue), patient, sa famille et/ou membres de l’institution où réside le patient
La prise en charge des troubles de la déglutition nécessite une collaboration éclairée entre le patient, son entourage, les soignants et des intervenants spécialisés dans le domaine.
8. Les approches thérapeutiques
Le traitement de la dysphagie vise à en réduire la morbidité et la mortalité liées. Il doit permettre une nutrition et une hydratation adéquates et en sécurité, en minimisant les complications. Il doit permettre aussi de retrouver des mécanismes physiologiques de déglutition (si possible) et maintenir une qualité de vie. La prise en charge logopédique vise la prise de conscience des troubles et des mécanismes impliqués.
Nous n’aborderons pas ici les interventions chirurgicales possibles, réservées à des indications bien précises.
Rappelons aussi, ici, que certains médicaments peuvent aggraver les troubles de la déglutition (voir le paragraphe concernant la presbyphagie) ; une révision médicamenteuse s’impose donc en cas de troubles de la déglutition.
L’intervention d’un(e) logopède spécialisé(e) est indispensable pour la prise en charge de troubles de la déglutition.
Adaptation de l’alimentation
Modifier la consistance des aliments et la viscosité les liquides peut permettre de ralentir le processus de déglutition et d’en améliorer la sécurité. De nombreux guides sont proposés, définissant une « bonne pratique ».
Photo : Philip Vanoutrive (AZ St. Lucas)
Quelles preuves ?
Une synthèse méthodique a été publiée en 2013 concernant les meilleures preuves disponibles dans ce domaine de l’alimentation
Leurs recommandations reposent cependant sur des études de qualité méthodologique fort différente (y compris des études de cohorte) et ils concluent à un niveau de preuve non solide.
Chin tuck – chin down (Note 1) Il existe des descriptions différentes de cette manœuvre de position du menton. Leigh et coll.
Ils montrent, grâce à des images vidéofluoroscopiques, un effet favorable des positions DOWN et TUCK sur la rétraction de la base de la langue et donc sur la déglutition. |
La consistance des aliments et des liquides
Un autre problème majeur est le manque de concordance dans la terminologie définissant la consistance des aliments et de l’épaississement des liquides
-
pour les liquides : consistance :
- claire : aucune modification du liquide
- comme un nectar : liquide qui coule lentement d’une cuillère inclinée
- comme du miel : liquide qui ne maintient pas sa forme dans une cuillère, trop épais que pour pouvoir être bu avec une paille
- comme du pouding : liquide épais qui maintient sa forme dans une cuillère, trop épais pour être bu dans une tasse
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pour les aliments : classification en 4 niveaux de régime alimentaire
- niveau 1 : purée, pour une dysphagie modérée à sévère : aliments réduits en purée de texture lisse et homogène, sans grumeaux, comme un pouding
- niveau 2 : hachés, pour une dysphagie légère à modérée oropharyngée : les aliments doivent être humides, hachés, de texture molle, avec des morceaux de maximum 1/4 de pouce ; entre la purée et des aliments plus solides ; une certaine capacité masticatoire est nécessaire
- niveau 3 : non durs, pour une dysphagie légère : aliments de la plupart des textures sauf les aliments durs, croustillants, collants ou s’effilochant
- niveau 4 : tout aliment, s’il est toléré
Photo : Philip Vanoutrive (AZ St. Lucas)
Plus récemment, un groupe de collaboration internationale a proposé un diagramme fort intéressant au point de vue pratique.
Diagramme de consistance des aliments et des boissons de l’IDDSI
Rappelons ici toute l’importance que peuvent avoir pour un patient précis, des essais pratiques (différentes consistances d’aliments et de liquides, de textures d’aliments) lors d’une exploration technique de la déglutition (voir le paragraphe concernant l’évaluation nasofibroscopique de la déglutition lors de tests pratiques).
Conseils pratiques de logopèdes
Différents conseils pratiques sont donnés par des logopèdes spécialisés dans le domaine :
- position du corps : manger et boire assis, le dos droit et la tête légèrement inclinée vers l’avant
- pas de distraction en mangeant : ne pas parler en mangeant et éviter ce qui peut détourner la vigilance (télévision, lecture, …)
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aliments plus susceptibles de poser un problème de déglutition :
- les fibreux (asperges, viande filandreuse, haricots verts, …)
- les juteux (agrumes, courgettes, chicons, tartine trempée dans le café ou la soupe, …)
- les « plein de miettes » (madeleines, biscuits secs, cakes, gaufres, ...)
- les petits (riz, semoule de couscous, petites pâtes, petits pois, maïs, ...)
- pour boire, utiliser un verre simple (pas trop haut), un verre avec une encoche nasale ou une paille plutôt qu’un gobelet de type « canard » qui favorise l’extension de la tête et donc les fausses routes ; ne pas boire à la bouteille
- avaler séparément liquides et solides
- tousser si nécessité ressentie plutôt que de tenter d’avaler
Guides de pratique
En tenant compte de toutes ces réserves et précisions, des guides pratiques sont disponibles dans ce domaine :
(Ré)éducation de la déglutition
Principes de base
Trois principes doivent présider à l’élaboration d’un programme individualisé d’éducation/rééducation de la déglutition :
- le diagnostic du moment
- les ressources et besoins du patient
- le contexte de soins du patient
Une stratégie de compensation visera à nourrir les patients en sécurité, tandis qu’une stratégie de réhabilitation visera à accélérer un processus de guérison, mais cette dernière ne sera possible que dans les situations non défavorablement évolutives et est plus complexe à mettre en œuvre (manœuvre de Mendelsohn, exercices musculaires du cou et du larynx)
Dans leur article de synthèse, Wirth et coll.
Des preuves ?
Une synthèse méthodique effectuée en 2009
Une synthèse méthodique publiée en 2013 concerne les meilleures preuves disponibles dans le domaine de l’alimentation en cas de dysphagie oropharyngée
Plus récemment, en 2016, les preuves d’efficacité des différentes stratégies thérapeutiques précitées sont jugées faibles ou contradictoires
Evaluation individuelle d’efficacité
McHorney et coll.
Prévention d’une pneumonie par inhalation
L’évaluation et la prise en charge des troubles de la déglutition sont essentielles pour prévenir les pneumonies par inhalation chez les personnes âgées fragiles, mais des approches complémentaires sont indispensables dans le cadre de cette prévention.
Une synthèse méthodique de la littérature publiée en 2013$ a évalué l’intérêt des soins buccaux (brossage des dents après chaque repas, nettoyage des prothèses une fois par jour, soins buccaux par un professionnel une fois par semaine), chez des sujets âgés hospitalisés ou institutionnalisés. De tels soins diminuent la présence de germes respiratoires pathogènes et semblent améliorer le réflexe de déglutition et la sensibilité d’une toux réflexe. Deux études montrent que ces soins diminuent le risque d’une pneumonie par aspiration et le risque de décéder suite à une pneumonie par aspiration.
Au vu de l’hétérogénéité des différentes études, une méta-analyse n’est cependant pas possible.
Le retrait d’un dentier pendant la nuit semble être également une mesure préventive utile$.
Des soins de bouche spécifiques sont aussi indispensables qu’une prise en charge des troubles de la déglutition pour la prévention des pneumonies d’inhalation chez les personnes âgées fragiles.
Le bavage
Le bavage dans le cadre de troubles de la déglutition chez les personnes âgées est lié non à une hypersécrétion salivaire vraie mais au défaut de déglutition de la salive. Il est plus particulièrement présent en cas de pathologie neurologique (maladie de Parkinson, AVC, sclérose latérale amyotrophique, démence). Le bavage est souvent socialement mal accepté, une cause possible d'isolement et une source potentielle de souffrance pour le patient comme pour ses proches. Faute d’études adéquates, il n’existe pas de consensus universel sur la stratégie thérapeutique la plus adéquate
En cas de fausse route
A ne PAS faire:
taper dans le dos de la personne,
faire lever les bras,
faire boire.
Mais bien:
encourager la personne à tousser, bouche ouverte,
en cas de blocage semblant complet (impossibilité de parler, de tousser, de respirer), pratiquer la manœuvre de Heimlich (voir vidéo) : se placer derrière le patient, passer les bras, autour de sa taille, fermer un poing et le couvrir de l'autre main dans la région de l’ombilic, puis pression brusque vers le haut avec ces deux mains ; cette manœuvre peut être répétée plusieurs fois si nécessaire,
ne tenter de désobstruer la bouche-pharynx qu’avec un matériel et une expérience adéquats (pince de type Magill, aspiration).
Mise en place d’une sonde de nutrition
Si la dysphagie est sévère au point de ne plus pouvoir répondre aux besoins nutritionnels, une alimentation artificielle doit être prise en considération. La décision, difficile, sera individualisée en fonction du pronostic du patient et de ses désirs. Les dimensions éthiques des décisions dans ce domaine doivent être discutées avec les patients et leur entourage
Nous ne parlerons pas, dans ce FormulR/info, de la nutrition parentérale.
Pour une nutrition entérale « artificielle », il existe deux possibilités principales : via une (micro)sonde nasogastrique (SNG) souvent placée de façon temporaire en aigu ou via une sonde de gastrostomie percutanée (SGP) préférée à plus long terme et qui ne doit pas empêcher l’alimentation per os si elle reste possible.
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration
Une autre synthèse méthodique
9. Cas spécifiques
Post AVC
Environ 1/3 des sujets subissant un AVC présentent des troubles de la déglutition
Dépistage d’une dysphagie
Des études ont montré que le fait d’identifier une dysphagie (suivant un protocole précis) lors d’un AVC aigu diminue le risque de survenue d’une pneumonie chez ces sujets
Interventions et alimentation en phase aiguë et subaiguë
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration
Il n’y a pas de différence entre alimentation par SNG ou par SGP en termes de décès ou de dépendance, mais une SGP entraîne moins d’échecs de traitement et de saignements gastrointestinaux que la SNG. Cette synthèse montre que des interventions comportementales réduisent la dysphagie et que des suppléments nutritionnels diminuent le risque d’escarres et améliorent énergie et prise de protéines. Elle montre également un bénéfice de l’acupuncture sur base de 4 études incluant 256 participants au total.
A noter que, la même année, une autre synthèse méthodique (de synthèses)
Mise en place d’une sonde en phase aiguë
En cas de dysphagie sévère dans la phase aiguë d’un AVC, selon une importante RCT (5033 patients inclus), la mise en place d’une SNG pourrait être plus intéressante que celle d’une SGP non en termes de mortalité mais bien en termes d’évolution à 6 mois (handicap et alimentation orale)
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration
Guides de pratique
En tenant compte des limites exposées ci-dessus, les soignants peuvent consulter des guides de pratique clinique pour la prise en charge des troubles de la déglutition chez des patients post AVC.
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Guideline clinical nutrition in patients with stroke.
$ -
Guidelines for the early management of patients with acute ischemic stroke.
$
En cas de maladie de Parkinson
Dysphagie fréquente et complexe
Environ 80% des patients souffrant d’une maladie de Parkinson (MP) présenteraient une dysphagie à un certain stade d’évolution de leur maladie.
Les manifestations de cette dysphagie peuvent être multiples
- les troubles salivaires : le bavage et les stases salivaires buccales sont dus à une perte de l’automaticité du geste de déglutition. Ils sont à l’origine d’embarras social et d’infections péribuccales. Les stases salivaires existent aussi au niveau oropharyngé (voix « mouillée » ou « gargouillante »);
- lors du temps oral de la déglutition : déficit de contrôle du bolus pour les liquides ; déficit et difficultés de mastication ; trouble de la propulsion linguale (phénomène de « rolling»);
- lors du temps pharyngé : retard de déclenchement du temps pharyngé ; déficit de propulsion pharyngée (stases valéculaires et dans les sinus piriformes pouvant être à l’origine de fausses routes après déglutition) ; pénétrations laryngées avec toux efficace ; fausses routes parfois silencieuses.
Détection de la dysphagie en cas de MP
Deux questionnaires spécifiques principaux ont été validés pour la détection d’une dysphagie chez un patient atteint de MP : le « Swallowing Disturbance Questionnaire for Parkinson’s disease (PD) Patients »
Interventions efficaces ?
Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2001
Dans leur synthèse, Wirth et coll.
Sur base de leur expérience clinique, des experts proposent différentes approches thérapeutiques pour le bavage en cas de maladie de Parkinson
Guide de pratique
Le guide de l’HAS
La prise en charge comporte 3 versants : informatif, analytique et fonctionnel.
- les informations et conseils sur la déglutition et les difficultés sont essentiels et concernent la PcP et son entourage
- les exercices analytiques visent à améliorer ou maintenir la motricité orofaciale adaptée au geste de déglutition qui requiert amplitude, force et coordination
- la prise en charge fonctionnelle se fait à domicile, en situation écologique avec la participation de l’entourage.
Elle met en place:
- les adaptations nécessaires concernant l’installation, les outils, les textures alimentaires
- les postures compensatoires
- les manœuvres spécifiques de déglutition
- l’apprentissage des gestes en cas de fausses routes.
Dysphagie et démence
Dysphagie fréquente
Au moins 80% des personnes atteintes de démence présenteraient une dysphagie
Traitement difficile
Certaines techniques ont été évaluées, mais dans de petites études ou avec des résultats d’efficacité discutable. Une synthèse méthodique
Une adaptation de la consistance des aliments est souvent recommandée, à appliquer si elle est acceptée par le patient
Une synthèse méthodique
Mise en place d’une sonde ?
Une évaluation des bonnes indications et de l’efficacité de la mise en place de sondes de nutrition chez des patients déments n’a pas été publiée
Sur avis d’experts, en l’absence d’études, en cas de démence légère à modérée, la mise en place temporaire d’une sonde de nutrition peut être envisagée dans une situation critique potentiellement réversible avec prise orale d’aliments insuffisante
En cas de démence sévère, la mise en place d’une SGP ne prévient par les pneumonies par inhalation, ne modifie pas le cours de la pathologie
Guide de pratique
- Voir "point 5.4. Problèmes alimentaires" dans le FormulR/ Info "La démence avancée".
-
ESPEN guidelines on nutrition in dementia.
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Les soins de confort en fin de vie dans la maladie d'Alzheimer et les autres maladies dégénératives du cerveau.
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10. Fiches d'informations pour les patients.
- Les troubles de la déglutition en 10 questions.
- Les troubles de la déglutition et leur prise en charge. Unité de la voix et de la déglutition.
Colophon
Responsable d’édition: N. Reusens
Rédacteur en chef adjoint: P. Chevalier
Rédaction: A. Chaspierre, L. Christiaens, T. Christiaens, B. Couneson, M. Hanset, M.A. Janssens, J. Lannoy, I. Leunckens, W. Staessen,
J.P. Sturtewagen, M.A. Van Bogaert, J. Van Elsen, C. Veys
Collaborateurs: D. Boudry, S. Vanderdonck
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Editeur responsable: J. Lannoy, Kleindokkaai 18, 9000 Gent
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